La taille moyenne d'un microbe est de 2 microns sur 2 microns (un micron étant égal à 1/1000ème d'un millimètre. Autrement dit, on peut faire tenir 500 microbes l'un derrière l'autre sur un segment d'un millimètre ou bien 2000 si on les dispose l'un à côté de l'autre).
C'est un hollandais, Anthony van Leewenhoek (1632 - 1723), qui mettra au point le premier microscope capable d'observer des “petits êtres qui se déplacent en tous sens” sur un bout de tartre dentaire. Il était équipé de lentilles grossissantes (200 fois) et avait la forme d'une tablette surmontée d'une tige. Cependant , il faudra attendre la deuxième moitié du 19ème siècle pour confirmer avec certitude l'existence de ces microbes et leur rôle dans le développement des pathologies.
Celui qui a le plus sûrement fait progresser ce domaine et qui a démontré le lien entre ces petites créatures et les pathologies est le savait français Louis Pasteur (1822 - 1895). Il accompagnera sa découverte de la mise au point de méthodes de désinfection immédiatement mises en usage dans les hôpitaux afin de faire disparaître ces nuisibles “invisibles”. Jusqu'alors, on utilisait plusieurs fois le même scalpel pour opérer plusieurs malades… Nul n'était en mesure d'établir le rapport entre la mort de certains sujets et l'utilisation répétée du couteau… Imbibé de microbes.
Avec l'apparition des méthodes de désinfection, la mortalité postopératoire devait notablement baisser, et pour cause…
A la suite de ces travaux, Pasteur devait découvrir qu'il était possible d'éliminer les microbes nuisibles contenus dans le lait en les soumettant à une forte chaleur : c'est la fameuse pasteurisation, qui devait sauver la vie à ces centaines de millions de bébés que leur mère ne pouvait ou ne voulait allaiter et qui devaient être nourris au lait de vache.
Nous savons donc depuis peu :
1. Qu'il existe des microbes.
2. Qu'ils sont à l'origine de certaines maladies et qu'ils contribuent à leur contagion par divers “conducteurs” comme le sang ou diverses sécrétions.
3. Qu'on peut les détruire par la chaleur (notons au passage que nous ne connaissons le rôle de la fièvre comme destructeur de microbes depuis peu de temps).
La nouveauté en matière de maladie contagieuse devait rapidement suivre : on devait vite découvrir qu'un même microbe pouvait tuer certains sujets alors qu'il ne causait aucun dégât chez d'autres personnes.
De manière tout à fait prodigieuse, nous voyons que nos Sages semblaient maîtriser ces données puisque dans un chapitre consacré aux règles de bienséance et de politesse, ils écrivent cette phrase (Traité Derekh Eretz 7) :
“Un homme aura garde de ne pas boire dans un verre et de le passer à son ami à cause du danger de mort.”
La raison de ce danger est spécifiée dans le testament de Rabbi Eliézer Hagadol (cité dans Touré Zahav, Ora'h Haïm 170,7) :
“De peur qu'il ne soit atteint d'une maladie dans son corps, que cela sorte de sa bouche et se pose dans le liquide restant dans le verre ; son ami serait également malade.”
Autrement dit, Rabbi Eliézer Hagadol, qui vivait à l'époque des Sages de la Michna (c'était il y a 2000 ans), savait déjà :
1. Qu'il existe des maladies qui peuvent se développer à cause d'êtres invisibles qui se trouvent dans un membre atteint mais également dans l'ensemble du corps du malade, y compris dans ses sécrétions.
2. Ces “causes invisibles” peuvent circuler d'un individu à l'autre par toutes sortes de moyens comme un verre d'eau et contaminer ainsi d'autres sujets.
3. Et la grande nouveauté : même un homme bien portant doit éviter de faire boire son ami dans un verre dans lequel il vient de boire “de peur qu'il ait une maladie dans son corps”. Autrement dit, il est possible qu'un sujet en parfaite santé soit porteur d'un microbe auquel il est en mesure de résister alors que son ami pourrait en souffrir (!)
Et encore ceci :
Le Talmud, qui a été écrit 1600 ans avant notre époque proclame (Traité Avoda Zara, traduit de l'araméen) :
“Chemouel a dit : une blessure qui a été causée par un morceau de fer implique un danger pour la vie du blessé. On transgressera le Chabbat pour lui.”
Autrement dit, bien que l'on ne transgresse pas le Chabbat pour une simple blessure (puisque l'on ne transgresse le Chabbat que pour sauver une vie humaine), si c'est un bout de fer qui est la cause de la blessure, on transgressera le Chabbat puisque les informations en possession des Sages de la Torah nous montrent que le malade court là un danger mortel même si la blessure semble sans danger.
On peut logiquement penser que les médecins auraient fait preuve de scepticisme face à de telles Halakhot (lois). En effet, seules les plaies occasionnant des hémorragies internes ou des blessures particulièrement dangereuses peuvent constituer une raison valable de transgresser le Chabbat ? Faut-il vraiment ajouter à cette liste des blessures qui pourraient apparaître comme bénignes ?
Et si danger il y a, s'agit-il d'un danger de mort ?
Aujourd'hui, nous savons qu'on peut mourir d'une plaie “bénigne” occasionné par un morceau de fer rouillé. En effet, la rouille contient des microbes responsables d'une maladie terrible : le tétanos.
Nos Sages n'avaient pas besoin d'attendre les recherches scientifiques de l'époque moderne pour le savoir ; en effet, malgré leurs scrupules concernant l'observance du Chabbat, ils n'étaient pas prêts à accepter l'argument, scientifique au demeurant, selon lequel la cause de la mort d'un sujet blessé par un bout de fer était à chercher dans une pathologie antérieure à cette plaie. Tant que les microbes n'avaient pas été identifiés, les médecins ne pouvaient pas penser que sous une plaie bénigne pouvaient se cacher des “tueurs invisibles”. Ils étaient encore moins enclins à conseiller de transgresser le Chabbat pour sauver une vie qui ne leur semblait pas compromise.
Nos Sages étaient cependant d'un avis diamétralement contraire puisque les lois du Chabbat, transmises de génération en génération, affirmaient haut et fort qu'un sujet qui s'était blessé avec un morceau de fer rouillé courait un danger mortel et se devait donc de transgresser le Chabbat. Ils avaient donc ordonné que celui qui courait là un risque d'infection mortelle ne recule devant aucun moyen pour sauver sa vie. La science moderne devait leur donner raison.
La mise au point de la pasteurisation
Comme si tout cela ne suffisait pas, il apparaît de surcroît que nos Sages connaissaient cette méthode d'élimination des microbes par la chaleur. Nous voyons par exemple que certains textes du Talmud exigent que l'on ne boive que de l'eau qui a été bouillie (Traité Baba Metsia 29b) :
“Il est préférable de boire du verre contenant des ingrédients utilisés pour la magie plutôt que de boire de l'eau tiède qui n'a pas été bouillie.”, parce que ce type d'eau est dangereuse pour la santé (il faut se souvenir que l'eau était alors puisée à la source ou au puits et qu'elle ne faisait pas l'objet d'une désinfection comme aujourd'hui).
Mais nos Sages ajoutent des données que la science moderne n'a pas encore mises en évidence :
“Tout ce que nous avons dit n'est valable que pour un ustensile de fer mais si l'on boit dans un ustensile en argile, on ne craint pas ces effets négatifs. Même s'il s'agit d'un ustensile en fer, ces effets négatifs ne sont à craindre que si l'on n'a pas fait bouillir l'eau mais si on l'a faite bouillir, même si elle s'est refroidie, on peut boire sans crainte. Et l'on ne tient cette règle que si l'on n'a pas jeté dans l'eau des feuilles de végétaux ou des épices etc.” (Notons que les eaux qui ont été chauffées dans un ustensile en verre contiennent encore de la pierre ou de la rouille alors que celles qui ont été chauffées dans un ustensile en fer sont limpides puisque la pierre et la rouille ont été avalées par les parois de l'ustensile.)
Il faut cependant garder à l'esprit les recommandations de Maïmonide dans Le guide des égarés (Partie 3, chapitre 14) qui précise que toutes les connaissances à caractère scientifique qui sont mentionnées dans les textes de nos Sages doivent toujours faire l'objet d'une vérification. En effet, il est possible que les différents facteurs naturels qui ont conduit à l'adoption d'une telle médication ou d'une recommandation spécifique aient subit un changement, que le corps humain ait changé ou que le médicament ne soit plus adapté.
Voici de toute façon un défi pour les scientifiques de notre époque.
La stérilisation des ustensiles d'opération chirurgicale
Comme si cela ne suffisait pas, il apparaît clairement que la nécessité de stériliser les ustensiles d'intervention chirurgicale était connue de nos Sages. Prenons à nouveau le temps de consulter le Talmud qui nous raconte l'intervention chirurgicale pratiquée sur le corps de Rabbi Eléazar, le fils de Rabbi Chimon Bar Yo'haï (Traité Baba Metsia 83b):
“Ils lui ont fait boire un anesthésiant, ils l'ont fait entrer dans une chambre entièrement marbrée d'un marbre propre, ils lui ouvrirent le ventre…”
Pourquoi ont-ils pratiqué cette intervention dans une chambre entièrement marbrée ? Il est clair que le marbre permettait de conserver des conditions d'hygiène plus sûres que tout autre matériau et de préserver le malade de toute infection.
Pour conclure cet article, nous pouvons dire que les Sages de la Torah savaient à partir des textes de la Torah elle-même :
1. Qu'il y a des êtres minuscules et invisibles.
2. Que ces êtres transportent des maladies (on les appelle en hébreu 'Haïdak qui est la contraction des mots 'haï, vivant et dak, fin).
3. Que les microbes peuvent se trouver dans l'ensemble du corps du porteur ou du malade y compris dans sa salive et non pas seulement dans un membre affecté.
4. Que c'est donc la raison pour laquelle il convient de s'abstenir de boire dans le verre dans lequel un ami a trempé ses lèvres. Il est possible qu'il soit porteur d'un microbe.
5. Que du fait du caractère impérieux de la mise en garde prononcée par nos Sages, il apparaît clairement qu'un homme peut porter un microbe qui ne lui occasionnera aucun problème alors qu'il pourra se montrer redoutable pour son ami.
6. Que le fer peut contenir des microbes dangereux. C'est la raison pour laquelle une blessure, même bénigne (dans le ventre par exemple), devra faire l'objet d'un traitement en urgence, y compris le Chabbat. Il est clair que l'on inclut dans cette injonction les vraies blessures, c'est-à-dire une coupure qui entaille la chair et non une égratinure légère.
7. Que l'on peut éliminer les microbes en les ébouillantant.
8. Qu'à cause des risques d'infection (septicémie et autres), il convient de pratiquer des opérations chirurgicales dans des conditions de stérilité absolue.